Europe : accord budgétaire: crise sanitaire ou crise politique?
Nous avons un accord! Certes mauvais, mais on craignait tant de n’en point avoir, réjouissons-nous! Quoique… l’absence d’accord se serait simplement traduite par la reconduction du budget de l’année dernière. Aurait-ce été un drame? Que faut-il retenir de ce round de négociation marathon?
Deux logiques s’affrontaient. L’Europe aujourd’hui, c’est un budget d’environ 1% du PIB, sans taxation propre. Difficile de faire quoi que ce soit de véritablement sérieux avec ça… La PAC est souvent critiquée pour sa place disproportionnée dans le budget européen. Mais elle ne l’est pas parce qu’elle serait trop importante, elle est simplement avec la politique régionale la seule véritable politique européenne à l’heure actuelle. On pouvait défendre une montée en gamme avec des ressources propres (taxation sur les flux financier, taxation carbone, impôt européen des sociétés…). Ou bien on pouvait s’attendre à ce que l’Europe subisse le régime minceur de l’austérité. Menaçant à la fois de son veto et de son départ, David Cameron a clairement imposé la seconde option. Pour la première fois, le budget de l’Union va diminuer.
Gardons à l’esprit que tout ceci est largement symbolique. Les sommes concernées sont ridicules au niveau du continent. Qui plus est, les échafaudages de chèques divers et variés assurent qu’aucun pays ne perd trop d’argent entre ce qu’il met et ce qu’il reçoit (même l’Allemagne). L’économie nette procurée par la baisse de chaque contribution nationale sera donc infime. Mais politiquement, le choix des dirigeants des Etats réunis en conclave est de faire apparaître qu’ils ont réussi à mettre au régime l’Europe honnie, gouffre financier. A noter que ce régime est acté pour sept ans. Officiellement, nous ne sortirons donc pas de la crise lors des sept prochaines années…
Le drame est que pour parvenir à cette baisse, on a pas réduit proportionnellement les budgets, mais on est allé ratiboiser quelques points budgétaires qui n’étaient défendus par personne, anéantissant pour une bonne partie les politiques qui étaient soutenues par ces lignes budgétaires. Mais c’est pas grave, c’est sans doute des politiques sans importance.
La FEAD par exemple, également connue sous le nom d’aide alimentaire, passe de 3,5 milliards d’euros à 2,5. Ouf, on a économisé un gros milliard! Et sans conséquence, il y’a si peu de gens qui dépendent de l’aide des Restos du coeur (l’aide européenne représentait autant dans leur budget que les Enfoirés)! La France a déjà assuré que l’Etat comblerait le trou. Fort bien. Et dans les pays qui sont un peu plus en tension, avec moins de sous encore dans les caisses et plus de repas à distribuer? En Espagne, en Grèce? Voilà du milliard bien économisé!
Et en plus on a pas d’accord.
Car le Parlement européen doit encore bénir le monstre, et les quatre présidents de groupe principaux ont fait savoir qu’il refuseraient. Y compris le président du PPE !!! Donc, sauf coup de théâtre, la négociation budgétaire n’est pas achevée et devra bientôt repartir pour un tour.
Cette rébellion du Parlement est importante, car jamais encore il ne s’était risqué à mettre en échec le consensus politique des chefs de gouvernements. Sur le sujet central du fonctionnement européen, le budget, c’est un bras de fer nouveau qui s’engage, à un an des élections européennes – et ceci n’a certainement échappé à aucune de ceux qui souhaitent se présenter devant les électeurs en tant que candidat à la Présidence de la Commission.
C’est dans ce jeu que s’est inscrit François Hollande. Ultra-minoritaire parmi ses pairs, où il a été contraint de consentir à un budget de mascarade, il est allé quelques jours auparavant chercher l’onction du Parlement sur la question budgétaire et de l’ambition européenne, apparaissant ainsi presque comme un porte-parole de ce dernier à la table du Conseil.
Nous nous dirigeons donc sans doute vers un blocage institutionnel sur le budget, qui se traduira par la reconduction des équilibres de l’an passé. Le budget pluriannuel sera sans doute adopté dans les mois qui suivront l’élection européenne, et devrait normalement être un des thèmes de campagne sur lequel les citoyens auront à choisir. A terme, si le conflit persiste, la question d’un budget de la zone Euro se reposera comme une manière de contourner le veto anglais. Gageons que les Etats ayant conservé leur propre monnaie participeraient pour la plupart à ce second budget, de la même manière qu’ils ont signé le TSCG.